Les
Livres de Predrac Matvejevich vus par la critique française
Pour une poétique
de l'événement
(Edition Christian Bourgois, collection 10/18, Paris 1979)
L’originalité
de sa démarche tient à son choix : à travers
un genre, le moins connu et le plus méprisé, la
poésie de circonstance, il retrouve tous les autres…
Jean-Michel Palmier: Le Monde
Si étrange que cela puisse paraître, s’agissant
d’un sujet qui a fait couler à travers les âges
tant d’encre et de fiel, la poésie de circonstance
n’avait suscité jusqu’à ce jour aucune
étude d’ensemble capable d’éclairer
à la fois le mot et la chose. (…) C’est un
livre impartial et pénétrant dont le champ d’observation
ne se limite pas aux créations d’un seul peuple,
mais embrasse la plupart des littératures européennes,
de l’Antiquité à nos jours.
Marc Alyn: Le Figaro Littéraire
Une Poétique de plus? Oui, mais écrite directement
en français par un essayiste croate et yougoslave, sans
doute la plus opportune depuis longtemps. En effet, rarement une
langue plus claire aura traité concisément un sujet
fouillé, quoique évasif, à l’extrême.
(…) Il n’était que trop temps que l’on
fît la synthèse du dégagement circonstanciel
et de l’engagement social. Double mouvement et non symétrique.
Pierre Calderon: Le Pont
Par le soin qu’il prend à définir des notions,
toujours trop vagues, à suivre leurs différents
reflets dans les cultures multiples qu’il connaît,
ce critique yougoslave, qui a beaucoup œuvré dans
son pays, non sans tracas, pour l’affranchissement de sa
littérature, nous aide aussi, quoique différemment,
à libérer la nôtre des méfiances abusives.
Jacqueline Piatier: Le Monde
Le rêve d’une rencontre entre avant-garde politique
et avant-garde artistique, perpétuellement discuté,
contesté et caressé, voilà une chose assez
commune. Ce qui l’est moins, c’est la qualité
singulière de la passion raisonnée avec laquelle
Predrag Matvejevitch, écrivain et essayiste yougoslave,
poursuit le rêve impossible: alliant obstination quasi mystique
et exigences de l’analyse théorique.
Janine Matillon: La Quinzaine littéraire
Le résultat, c’est une réflexion ample, respirant
bien, dégagée de l’empirisme aussi bien que
du dogmatisme… Cela lui permet, grâce à une
érudition peu commune, d’étudier les complexes
médiations qui relient la création poétique
à la politique et à l’histoire – sans
pour autant l’écraser, la dissoudre en elles jusqu’à
lui faire perdre son originalité irremplaçable.
Claude Prevost: L’Humanité
Le grand mérite de cette étude de deux cents pages
est justement son originalité, car Matvejevitch est probablement
le premier à faire l’histoire de la poésie
liée à l’événement et les circonstances
environnantes.
János Szávai: Revue de littérature comparée
Épistolaire de l'autre Europe
(Éditions Fayard, Paris 1993)
Épistolaire de l’Autre Europe renoue avec la grande
tradition du roman russe épistolaire… Ces lettres
dénoncent les cours catastrophiques de l’histoire,
les injustices, les crimes, elles s’attaquent aux puissants
du jour et réhabilitent les ombres de la nuit, elles ne
cessent, à la manière de Cassandre, de mettre en
garde, en brisant tous les conformismes. Ce bréviaire méritera
d’être lu un jour comme une réplique moderne
au Don Quichotte de Cervantes.
Jean-Michel Palmier: Le Monde Diplomatique
Un mélange de malheur et d’utopie fait tout le prix
de cet Épistolaire, rangé par les libraires sur
le rayon des ouvrages politiques alors qu’il s’agit
d’un roman. Mais un roman au sens où l’entendait
Victor Chlovski et les formalistes russes qui, dans les années
vingt, renouvelèrent le genre par le subtil mélange
de la fiction et du document… L’ensemble forme un
étonnant tableau de l’histoire récente, une
sorte d’épopée paradoxale… Matvejevitch,
le premier, a composé le roman de cette décomposition,
de ce lent passage du totalitarisme au post-totalitarisme où
les démocraties naissantes se déforment en démocratures.
À l’horizon flamboie la forme qui exprimera enfin
le nouveau rapport du particulier et de l’universel, de
l’homme et du monde. Predrag Matvejevitch surgit du carrefour
yougoslave, de ce violent entrechoc de passé et d’avenir,
pour nous rappeler à sa manière unique que l’homme
en ce siècle a beaucoup changé et qu’il lui
reste à trouver sa langue.
Jean-Baptiste Michel: Le Nouvel Observateur
Comment revenir à la raison? Predrag Matvejevitch, le Croate
de Mostar, interrogeait sans fin – Boukharine, Mitterrand,
Brodsky, Gorbatchev, etc. – dans ce volume plein d’informations,
intitulé Épistolaire de l’Autre Europe (Fayard,
1993).
Nicole Zand: Le Monde
Cette littérature épistolaire s’inscrit dans
une grande tradition slave, celle par exemple des lettres de Gogol
pour sauver la Russie.
Richard Kleinschmager: Dernières Nouvelles d’Alsace
Ces lettres ouvertes dessinent la biographie d’un homme
soucieux d’exercer et de défendre le droit à
la libre parole. Ce qui assure la cohésion de l’ensemble,
ce n’est pas une démonstration, mais plutôt
une manière de questionner, de créer une perspective,
un sfumato littéraire grâce auquel Matvejevitch accomplit
dans les Lettres une tranquille révolution de velours –
comme Vinci et Le Corrège révolutionnèrent
en leur temps la présence picturale du paysage. Cet épistolaire
est une œuvre écrite au futur.
Renaud Ego: Les Lettres française
Ces lettres visent à réhabiliter la mémoire
d’hommes politiques et d’écrivains connus,
victimes du stalinisme (Trotski, Boukharine, Mandelstam, Boulgakov)
ou bien font l’éloge des « hérétiques
» (Pasternak, Milosz), ou bien défendent ceux qu’on
appelait naguère les dissidents : Soljenytsyne, Kundera,
Havel, pour ne citer que quelques noms.
Jean-Pierre Morel: La Quinzaine littéraire
Dans certains monastères méditerranéens,
on donnait le nom d’épistolaire à la lecture
des Épitres. Predrag Matvejevitch, né à Mostar
(Herzégovine) d’une mère croate et d’un
père russe d’Odessa – propose ici sa propre
collection de lettres parues pour l’essentiel en samizdat
en 1985… Ce livre est un précieux témoignage
de cette « Autre Europe », de ce que furent les combats
de certains intellectuels pour faire éclore la vérité
au sein du mensonge officiel, un appel aussi pour que se constitue
aujourd’hui « une Europe moins euro-centriste plus
ouverte au reste du monde ». Un témoignage d’humanité.
Michel Jordan: L’Action des chrétiens - l’a.c.a.t.
Après le Bréviaire méditerranéen,
couronné par le Prix européen de l’essai en
Suisse et le Prix du meilleur livre étranger en France
cette année-ci – L’Épistolaire de l’Autre
Europe. Ne doutons pas d’une audience analogue, et dans
des milieux plus divers encore. En effet, on pourrait parler de
cet Épistolaire comme du Bréviaire de la dissidence
: la même culture multiforme s’y constate, la même
mémoire vigilante, la même attention aiguë au
présent… Le grand connaisseur des cultures se double
ici d’un penseur politique d’une rare sûreté
et d’une égale lucidité.
Pierre Calderon : Le Journal de Tanger
Cet Épistolaire de l’Autre Europe forme un témoignage
de première main, et de première force, sur ce que
furent au long des années, dans l’Europe communiste,
les circonstances au cours desquelles se nouèrent, pour
les intellectuels, les enjeux (politiques, moraux, littéraires)
qui donnent sens à l’idée même de liberté
de l’esprit.
J.-C. A.: ConstruirePredrag Matvejevitch est un témoin
privilégié de tous les courants qui ont secoué
les « certitudes » générées par
les totalitarismes. Après le Bréviaire méditerranéen
c’est la découverte de l’engagement de toute
une vie à côté des dissidences en Europe de
l’est qui est développé dans son dernier ouvrage.
L’acuité du regard servie par le souci d’exactitude
fait de ces lettres des documents de grande qualité littéraire.
Gabriel Beis : La Nouvelle Alternative
Ce nouveau livre montre un nouveau visage de l’auteur du
Bréviaire méditerranéen : celui d’un
dissident opiniâtre qui, par ses lettres envoyées
à travers le monde, témoigne de vingt-deux années
d’indignation, d’énergiques protestations,
de défense de la littérature et de la liberté
de pensée. Il était seul, il le reste aujourd’hui,
alors que les lendemains de la dissidence ont un goût amer.
C’est la fidélité à ces principes qui
donne la cohérence et son émouvante densité
humaine à l’Épistolaire de l’Autre Europe.
Michel Audétat: L’Hebdo, Lausanne
Souvent prémonitoires, ces lettres témoignent des
espoirs d’une génération d’intellectuels
de l’Est aujourd’hui désabusés. Quelques-unes,
les dernières, évoquent la tragédie de l’ex-Yougoslavie
avec la lucidité désespérée d’un
« intellectuel des frontières ».
Marc Semo : La Libération
Essais, lettres ouvertes, récits, plaidoyers, actes d’accusation,
défenses et illustrations des intellectuels persécutés
et emprisonnés…, c’est une vieille tradition
russe que Predrag Matvejevitch ressuscite ainsi. C’est un
des résultats remarquables du travail de Predrag Matvejevitch.
Avec lui l’autre Europe parle à cœur ouvert.
Antoine Spire: Chronique d’Amnesty international
L’Épistolaire de l’Autre Europe présente
le combat incessant d’un humanisme qui prend la défense
de tous les exilés, censurés, dissidents. Ces lettres
sont rattachées à une tradition russe, historique,
et démontrent avant tout une fureur de justice.
Frédéric Martel: Le Quotidien de Paris
La question du genre littéraire est ici secondaire: il
s’agit de haute littérature.
Ismail Kadaré: FNAC, Paris
Predrag Matvejevitch, messager depuis des lustres entre l’Autre
Europe et la nôtre, offre à la réflexion sous
forme épistolaire un livre de grande humanité…
Sa pensée se déploie au fil des pages dans un style
sobre, dense. Construction littéraire originale où
souvenir et lettres s’entrelacent dans un tempo qui nous
fait lire le cœur battant ce récit de la douleur…
Ce livre nous parle de l’Homme, comme l’a fait en
son temps le grand poète Georges Séféris.
Moïra Gulmart: Arc en Ciel
Fait de fragments de l’histoire, cet Épistolaire
retrace le devenir historique de notre époque sous une
lumière crue et par moment insoutenable.
L’Amour des livres
L’Épistolaire de l’Autre Europe est une magnifique
anthologie des lettres, celle qui forment un brillant et complexe
florilège. Predrag Matvejevitch nous dit tout cela en quelques
terribles et mémorables phrases.
Daniel Walther: Dernières nouvelles d’Alsace
Roman de poète, l’Épistolaire est un livre
d’Histoire. Entre l’imprécation et la chronique
on y dépeint un monde arraché à ses amarres,
dérivant hors de la réalité, se nourrissant
de mensonges. De loin en loin, comme autant de naufragés,
quelques figures émergent : celle de Kadaré ou de
Soljenitsyne, un Havel, un Michnik. On ne sait s’ils vont
sombrer ou survivre. En tout cas, ils témoignent du refus
de capituler, et, porteurs du signe d’utopie, disent la
persistance de la conscience.
R.A.: Le Méridional, Marseille
L’Épistolaire de l’Autre Europe constitue un
bréviaire bariolé et très éclairant
de la dissidence, une saga des rapports Est-Ouest, une reconstitution
implicite de l’Histoire de l’Europe centrale et orientale,
de la révolution d’octobre à nos jours.
Le Midi Libre
Un grand témoignage à la fois humain et littéraire,
une défense audacieuse de la liberté et un profond
sentiment cosmopolite, irréductible à toute clôture
nationale.
Claudio Magris: Il Corriere della Sera
Le Monde « Ex» – Confessions
(Editions Fayard, Paris 1996)
Matvejevjtch est malade. On aimerait qu’il soit contagieux.
Qu’il donne un peu de sa naïveté et de sa fièvre
à nos démocraties occidentales… Homme-orchestre,
on a l’impression qu’à lui tout seul Predrag
Matvejevitch est la Yougoslavie, l’Union européenne
et l’Autre Europe, et même la Méditerranée
tout entière sur ses deux rives jusqu’à la
mer Noire. Depuis trois ans, il a publié trois gros ouvrages
dont Le Monde « ex ». Une belle langue de nostalgie,
mêlant désespoir et sarcasme. Matvejevitch fait éprouver
sa gourmandise pour les mots et les sonorités de la langue
française.
Nicole Zand: Le Monde
Pendant que les Européens, les officiels du moins, ont
fait les morts pendant le triomphe de la Mort, ont fait comme
si de rien n’était pendant les massacres, n’ont
rien tenté pour assister les peuples en danger, on a été
heureux d’entendre les voix qui n’étaient pas
les voix d’ex-hommes, mais des voix d’hommes vrais
! Ainsi Predrag Matvejevitch, qui ne s’est jamais découragé
d’écrire des lettres… Quel dommage que ses
conseils n’aient pas été suivis. Son Monde
« ex », c’est beau comme un poème de
Danilo Kis.
Claude Roy: Le Nouvel Observateur
Predrag Matvejevitch, à qui nous devons plusieurs ouvrages
magistraux, traduits dans les langues occidentales – comme
le Bréviaire méditerranéen et l’Épistolaire
de l’Autre Europe, qui lui ont acquis une notoriété
internationale – a donné à son dernier livre
le sous-titre Confessions… En réalité, l’auteur
du Monde « ex » n’a aucun péché
à confesser sinon celui d’avoir, durant toute sa
vie d’écrivain, combattu les nationalismes monopolistes,
avec la même ardeur que les totalitarismes fasciste et stalinien.
Et notamment, les nationalismes intolérants, dont Matvejevitch
devient la victime. Son destin, dont il retrace pathétiquement
les péripéties dans ce livre – est paradigmatique.
Il rappelle celui du héros de La Peste d’Albert Camus,
Tarou, dont la culpe a été d’avoir «
voulu limiter le Mal ». Or, cela devient de plus en plus
difficile et dangereux.
François Fejtö: Transeuropéennes
Érudit, témoin engagé et poète, tel
est Matvejevitch, nous dit Robert Bréchon. Érudit,
certes, sa mémoire est encyclopédique, borgésienne.
Témoin engagé, c’est évident –
prophète clamant dans le désert, au risque d’être
attaqué verbalement, voire ouvertement. Et poète
enfin, à la croisée de deux ou trois genres : le
roman est mort, vive le roman ! Incantatoire, conjuratoire, et
pourtant écrit dans un style concis, passionné de
lexicologie quand il s’agit des lieux aimés, son
Monde « ex » est aussi l’œuvre d’un
forgeron de néologismes – démocrature, mémoricide,
urbicide – et de formules frappantes – entre trahison
et outrage, entre asile et exil. On aimerait pouvoir dire à
l’auteur que son monde « ex » n’a disparu
que pour laisser place à un monde meilleur. On a de bonnes
raisons d’en douter.
Sophie Kepes: La Quinzaine littéraire
L’effondrement des dictatures communistes, et des utopies
qui les ont trop longtemps portées, n’a pas fait
basculer les seules URSS et Yougoslavie dans un monde ex. Tout
se passe, au contraire, comme si l’Occident dans son ensemble
était désormais lui aussi ex-monde, comme si, dans
un saisissant effet de miroir, le monde libéral et le monde
communiste étaient de fait condamnés à disparaître
l’un avec l’autre – tant il est vrai, comme
le rappelle Predrag Matvejevitch, que « la grandiose utopie
» qui a « engendré bien plus d’une faillite
» à l’Est est née « au cœur
de l’Europe occidentale »… Matvejevitch vit
désormais Entre asile et exil comme le dit le titre de
l’édition revue et complétée de son
Épistolaire. Il renouvelle le genre de l’essai.
Écrire en français ? « Je sais quel risque
j’encours. » Le pari est tenu, la langue, dont tous
les ressorts classiques sont utilisés, est remarquablement
maîtrisée d’un bout à l’autre
de l’ouvrage de Matvejevitch, mieux que l’on ne saurait
le dire.
Bertrand Leclaire: Les Inrockuptibles
Ces « confessions » – réplique laïque
de l’illustre ouvrage de Saint Augustin – révèlent,
de même que le Bréviaire et l’Épistolaire
qui les ont précédées, un nouvel effort de
Predrag Matvejevitch pour rénover certaines formes anciennes,
moins usées que le roman. C’est assurément
la réflexion la plus profonde et la plus complète
qui vient de l’ex-Europe de l’Est après Sakharov,
à la suite de l’écroulement du communisme.
Les Temps Modernes
Antéposée ou postposée, préfixe ou
suffixe, le particule ex prolifère en cette fin de siècle,
constate Predrag Matvejevitch en ouverture de son livre Le Monde
« ex », sous-titré Confessions et entendu comme
une « réplique laïque de l’illustre ouvrage
de Saint Augustin »… La pensée de l’écrivain
se développe en cercles concentriques pour évoquer
successivement les ex-dissidents, l’Europe centrale, une
ex-idée en vogue, la Méditerranée, ex-centre
du monde, les crépuscules de l’Adriatique, ex-Golfe
de Venise, ou la Bibliothèque de Sarajevo ou le Vieux Pont
de Mostar, deux ex-symboles d’une ex-Bosnie-Hérzégovine
multiculturelle et pluriethnique… L’ordonnancement
de ces textes, travaillés sans relâche, est actualisée
jusqu’à la dernière seconde.
Éric Naulleau: La Nouvelle Alternative
Matvejevitch
exhibe ce qu’il a conservé du monde d’hier,
dans la perspective qu’il avait que ce monde devait changer,
qu’il fallait s’y employer, mais que les forces puissantes
œuvraient pour sa conservation… Moins analytiques,
plus lyriques, les pages sur l’Adriatique sont parmi les
plus belles, dans la lignée du beau Bréviaire méditerranéen
dont l’auteur nous a gratifié en 1992. Comment enfin
ne pas retenir ces notations, écrites à Sarajevo,
à l’occasion du 1000e jour de siège ? Au terme
de la lecture, la valise de l’exilé s’avère
riche d’une culture plurielle, lourde de compassion, bourrée
d’incertitude et d’interrogations. Viatique d’un
homme soucieux d’un pain pour les hommes qui nourrissent
autant leurs âmes que leurs corps.
Jean-François Bouthors: La Croix
L’a-t-on remarqué? Pour dire les troubles de l’époque,
c’est aux anciennes formes de la littérature religieuse
que Predrag Matvejevitch recourt : lA lettre dans l’Épistolaire
de l’Autre Europe que prolonge et reprend en partie Entre
asile et exil, le bréviaire (Bréviaire méditerranéen)
et la confession (Le Monde « ex »). La lucidité
critique de ces écrits, qui ne va pas sans chaleur pour
toutes les victimes de l’époque, peut seule nous
guérir de la « maladie des chaînes »
dont l’Europe (pas seulement celle de l’Est ou du
Sud) semble souffrir aujourd’hui plus que jamais.
Francis Wybrands: Études
Dans la tradition des grands intellectuels méditerranéens,
voyageurs souvent malgré eux, condamnés à
l’errance en quête de terre d’asile, Predrag
Matvejevitch livre des ouvrages témoins de leur temps,
écrits en dehors de toute référence connue.
Ce fut d’abord le Bréviaire méditerranéen
en 1992, puis l’Épistolaire de l’Autre Europe
en 1993. Il revient avec Le Monde « ex » qui appartient
au genre des Confessions, et embrasse tous les aspects majeurs
de sa réflexion, des pays de l’Est à la Méditerranée,
en passant par l’ex-Yougoslavie, son pays.
Thierry Gallibert: Art-Sud-Méditerranée
Matvejevitch a écrit directement en français Le
Monde « ex » , un essai sur l’écroulement
du régime communiste et sur l’éclatement tragique
de la Yougoslavie. Cet effondrement brusque a surpris tout le
monde, et ceux qui se sont battu à l’intérieur
du système, notamment les intellectuels, se sont trouvés
désemparés, des « ex » en mal d’identité,
sans repères… Ce témoignage, fort et dérangeant,
est celui d’un écorché vif qui veut secouer
l’indifférence et l’incompréhension
des autres Européens.
F.R. : Notes bibliographiques
Nous sommes face à Predrag Matvejevitch. Souvenez-vous.
La Suisse le fêta en 1992 comme lauréat du Prix Veillon.
Relisez son chef-d’œuvre, qui reçut à
Paris le Prix du Meilleur Livre Étranger en 1993, Bréviaire
méditerranéen, inventaire coruscant des vents, navires,
golfes, fleuves, poids et mesures… Dans un ensemble de lettres
réelles ou fictives, ce Slave du Sud a entrepris en 1985
d’analyser, dans son Épistolaire de l’Autre
Europe, le lourd héritage de l’URSS et de l’Europe
dite de l’Est. Matvejevitch a donné à la langue
française un mot nouveau « démocrature »…
Les dérives de l’Europe appellent un discours qui
soit aveu, décrassage, attention encyclopédique
aux traditions multiples, mais allégés par un élan
baroque, recul devant l’abîme, recours obstiné
à la raison. Toute la pensée, toute l’écriture
de Matvejevitch tendent dès lors, dans son Monde «
ex », à une maîtrise des complexités.
Bertil Galland: Le nouveau quotidien de Lausanne
C’est dans un récit semblable à un cri de
douleur que Predrag Matvejevitch dit l’horreur d’une
guerre fratricide… La forme de ce livre fait écho
de la déflagration qui a détruit cette autre Europe.
Écrire c’est se situer à la croisée
des genres, adopter une autre langue pour rendre compte d’une
réalité fragmentaire, incertaine. C’est pourquoi
Matvejevitch a écrit ce livre en français…
Il est à notre fin de siècle ce que Stefan Zweig
était au détour des années quarante.
Norbert Czarny: Les Nouveaux cahiers
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