Marc-Alain Ouaknin

Lire aux éclats

Lévinas distingue la sagesse grecque de la langue grecque. Pour lui, le parler grecque signifie la clerté, la méthode, le souci de la progression allant du simple au complexe, l'intellegibilité. Le grecque, c'est le langage du déchiffrement: "Il démystifie, il démythise. Il dépoétise aussi. Le grec, c'est la prose, c'est la prose du commentaire, de l'exégesèse, de l'herméneutique qui, souvent, certs, utilise des métaphores, mais aussi la langue qui 'déméétaphoriser' les métaphorse, qui les conceptualise, dût -elle toujours recommencer l'effort. Il faudra, certes, toujours démétaphoriser les métaphores mêmes, par lesquelles on vient de démétaphoriser les métaphores et tordre à l'éloquence son cou. Il faut de la patience. Mais alors, c'est cette école patient qui est aussi le preécieux de notre héritage grec".

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la Tora exige d'écrire de textes qui ne sont pas données à la lecture; "écrits pour ne pas être lus", puisqu'ils sont enfermés dans ces boîtes en cuir.

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Il y a dans le langage une brisure primordiale que la Cabbale nomme chevirat kélim, "la brisure des vases". Le langage, même le plus premier, le plus original, est déjà une traduction d'un langage anarchique vers lequel on peut tendre sans jamais l'atteindre?
Il y a liberté, car la traduction est d'abord libération du langage, ouverture au langage, croissance, naissance; possibilité de cette naissance d'une femme par un homme. C'est ne pas qu'une métaphore; la naissance de la femme serait la première traduction.

La traduction ne reproduit pas; elle ajoute.
Naît dans la traduction un "mouvement d'amor". Celui-ci ne reproduit pas, ne restitue pas, ne rende pas le sens de l'original. Mais ce mouvement "étend le corps des langues, il met la langue en expansion...". La langue est une avec elle-même tout en s'ouvrant au dehors et cete ouverture ouvre l'unité, elle la rend possible et lui interdit la totalité. Comme l'amphore - cette méétaphore que l'on retrouve chez Heidegger, Hölderlin ou Rilke - la langue permet de recevoir et de donner.
La vérité n'est ainsi nu du côté de l'original ni de celui de la traduction, mais dans un au-delà des deuc qui les transforme tous les deux.

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