Marc-Alain Ouaknin
Lire aux éclats
[189, 191
la Tora exige d'écrire de textes qui ne sont pas données à la lecture; "écrits pour ne pas être lus", puisqu'ils sont enfermés dans ces boîtes en cuir.
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Il y a dans le langage une brisure primordiale que la Cabbale nomme chevirat kélim, "la brisure des vases". Le langage, même le plus premier, le plus original, est déjà une traduction d'un langage anarchique vers lequel on peut tendre sans jamais l'atteindre?
Il y a liberté, car la traduction est d'abord libération du langage, ouverture au langage, croissance, naissance; possibilité de cette naissance d'une femme par un homme. C'est ne pas qu'une métaphore; la naissance de la femme serait la première traduction.
La traduction ne reproduit pas; elle ajoute.
Naît dans la traduction un "mouvement d'amor". Celui-ci ne reproduit pas, ne restitue pas, ne rende pas le sens de l'original. Mais ce mouvement "étend le corps des langues, il met la langue en expansion...".
La langue est une avec elle-même tout en s'ouvrant au dehors et cete ouverture ouvre l'unité, elle la rend possible et lui interdit la totalité. Comme l'amphore - cette méétaphore que l'on retrouve chez Heidegger, Hölderlin ou Rilke - la langue permet de recevoir et de donner.
La vérité n'est ainsi nu du côté de l'original ni de celui de la traduction, mais dans un au-delà des deuc qui les transforme tous les deux.
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