GIOIA COSTA VALERE NOVARINA PER LO SPAZIO FURIOSO / POUR L'ESPACE FURIEUX



Ho voluto vedere la lingua
lettera alla traduttrice

Parigi, 14 febbraio 1996

Cara Gioia,
nel momento in cui lei inizia la traduzione di L’espace furieux mi permetta di immaginarla “sulla sponda italiana delle Alpi” e io dall’altra parte, sulla sponda francese. Noi ci facciamo dei segni, da una parte e dall’altra, come in uno specchio, ribaltati, insieme e controcorrente: la traduzione non è uno scambio ma una danza di fronte, in risposta, come quella dell’attore.
Adesso lei comincerà a camminare fra le lingue, sulle acque, in questo “paese del fra le lingue” che è il territorio poetico stesso: una terra sconosciuta che si apre, nella quale sarà certamente portata a far qualche passo fuori dall’italiano, come a volte io ho camminato fuori dal francese. In L’Espace furieux la lingua si capovolge, appare al contrario; sorge, accelerata o rallentata, in squilibrio, gira in volute; cade, si frammenta, si innalza in spirale, si ritrova, si torce, varia, diventa altra, nel movimento spirale della respirazione, nell’incrocio con lo spazio che avviene attraverso la carne dell’attore.
Quando davanti ai nostri occhi l’attore recita qualcosa si scava, come un movimento di vuoto fra le lingue, aria improvvisa, nascita di spazio fra le parole. La lingua è vista in volume: in fuga, inseguita, cacciata, aprente. E’ allora che ci appare, straniero e di fronte a noi, il nostro corpo più vicino che è il linguaggio. La lingua è la nostra trama, la nostra tessitura, il tessuto del nostro spirito. La lingua è la nostra carne mentale. Il nostro sangue. E’ lei che, in scena, è improvvisamente visibile, vista di fronte. In ogni vero teatro c’è questa logoscopia.. E un’esperienza di uscita dal corpo umano.
Traducendo lei si troverà, come lo ero io scrivendo, nel punto di divisione e d’amore fra le parole, nella loro lotta, nella loro sessualità, e non lontano da un mistero fisico dello spirito. Esiste un luogo nel quale noi sentiamo apparire il vuoto, dove sentiamo lo spazio combattere. Fra le lingue, si sente il respiro. Nel lavoro, nel cammino da cieco della scrittura o nella vertigine della traduzione, uno spazio si apre, un desiderio si scava, una sorgente d’aria è aperta. Questo grande scavo delle lingue, questo incrocio, ci apre gioiosamente, ci libera, noi che oggi siamo così vicini ad esser tutti catturati nella stessa rete, chiusi in lingua planetaria unica, catturati e confinati.
L’Espace furieux è scritto in un francese che scava lo spazio in più direzioni. Si apre sotterranei, tunnel, passaggi non visti, scorciatoie dimenticate. Il lettore, l’attore non possono incontrarsi, percorrono sentieri incompatibili, seguono gallerie opposte dove bisogna passare al contrario e in un respiro. Si procede in scavo antagonista dello spirito, in lotta aperta. E’ un lavoro di sterro. Scavare la lingua che è la nostra terra; scavare la nostra lingua, portare alla luce il sotterraneo mentale. Ripenso ai miei antenati scavatori, muratori ma soprattutto scavatori, che all’inizio del secolo lasciarono il Piemonte, la Valsesia, e passarono la frontiera con una livella e un filo a piombo, per costruire, e quindi prima scavare, dall’altra parte delle Alpi, in Savoia.
Voglio vedere la lingua; la moltiplico per farla apparire, vederla veramente, nella sua spirale respirata, nella sua danza girante, per assistere alla sua passione. Attraverso lo strumento del teatro, raggiungere la visione della parola; attraverso lo strumento del teatro, catturare la parola con gli occhi, vedere il pensiero. Vedere da molto vicino la nostra morte e la nostra rinascita attraverso le parole: la nostra morte attraverso le parole e la nostra rinascita attraverso la parola. Adesso la lingua non è più qualcosa che ci lega, che è fra noi, ma qualche cosa che è davanti a noi come un teatro di forza, come un campo magnetico. La lingua non ha niente di umano. E’ una antimateria luminosa. Una tensione dello spazio che lo mantiene ancora apparendo davanti a noi.
Tutto accade nell’attore, nella sua bocca, dove il teatro nasce e muore. Questo movimento di nascita-morte è tutta la forza paradossale del teatro, il suo potere di capovolgimento. Tutto quello che è parlato scompare: il mondo sorge parlato. La bocca è come la fossa e l’orifizio e l’origine del pensiero: l’orifizio mangiante e parlante è sempre lo stesso. Il nostro pensiero mangia e respira. Capovolge. La scena del teatro, come il libro, è il luogo di una manducazione. Persino di un morso.






Notre corps le plus proche est le language

Lettre à la traductrice


Chère Gioia,
Au moment où vous commencez la traduction de L'Espace furieux, permettez-moi vous imaginer “sur la rive italienne des Alpes ” et moi de l'autre côté, sur le rivage français. Nous nous faisons des signes, de part et d'autre, en miroir, inversés, ensemble et à contre-courant : la traduction n'est pas un échange mais une danse d'en face, en réponse, comme celle de l'acteur.
Vous allez marcher maintenant entre les langues, sur les eaux, dans ce “ pays d' entre les langues ” qui est le territoire poétique lui même : une terre inconnue qui s'ouvre — où vous serez certainement amenée à faire quelques pas hors de l'italien, comme j'ai marché parfois hors du français. Dans L'Espace furieux, la langue se renverse, apparaît à l'envers ; elle surgit, accélérée ou ralentie, en déséquilibre, tourne en volutes ; elle chute, se morcelle, s'élève en spirale, se retrouve, se tord, varie, devient autre, dans le mouvement spiral de la respiration, dans le croisement à l'espace qui a lieu par la chair de l'acteur.
Lorsque devant nos yeux l'acteur joue, quelque chose se creuse, qui est comme un mouvement de vide entre les langues, de l'air soudain, de la naissance d'espace entre les mots. La langue est vue en volume — en fugue, en fuite, poursuivie, en vrille, chassée, ouvrante. Nous apparaît alors, étrange et devant nous, notre corps le plus proche qui est le langage. La langue est notre texture, notre tessiture, le tissu de notre esprit. Notre chair mentale, c'est la langue. Notre sang. C'est elle qui, sur scène, est tout d'un coup visible, vue d' en face. Dans tout vrai théâtre, il y a cette logoscopie . Et une expérience de sortie du corps humain.
Traduisant, vous vous trouvez — comme je l' étais en écrivant — au point de division et d'amour entre les mots, dans leur combat, leur sexualité, et pas loin d'un mystère physique de l'esprit . Il y a un lieu où nous écoutons apparaître le vide, où nous entendons l'espace venir battre. Entre les langues, s'entend le souffle. Dans le travail — dans la progression en aveugle de l' écriture ou dans le vertige de la traduction — un espace s'ouvre, un désir se creuse, une source d'air est ouverte. Ce grand creusement des langues, ce croisement, nous ouvre joyeusement, nous libère, nous qui sommes à deux doigts aujourd'hui, d'être tous pris dans le même filet, enfermés en langue planétaire unique, mis en boucle et capturés.
L'Espace furieux est écrit en français qui creuse l'espace en plusieurs sens. Il s'ouvre des souterrains, des tunnels, des passages non-vus, des raccourcis oubliés. Le lecteur, l'acteur vont dans un écartèlement, marchent par des chemins incompatibles, suivent des galeries opposées où il faut passer à l'envers et d'un souffle. On progresse en creusement antagoniste de l'esprit, en lutte ouverte. C'est un travail de terrassement. Creuser la langue qui est notre terre ; creuser notre langue, mettre à jour le souterrain mental. Je me souviens de mes ancêtres creuseurs, maçons mais surtout creuseurs, qui quittèrent au début du siècle le Piémont, la Valsésia, et passèrent la frontière avec un niveau et un fil à plomb, pour construire c'est à dire d'abord creuser, de l'autre côté des Alpes, en Savoie.
Je désire voir la langue ; je la multiplie pour la faire apparaître [ var : je désire voir la parole, je multiplie les lageus pour la faire apparaitre ] — la voir vraiment, dans sa spirale respirée, dans sa danse tournante — assister à sa passion. Par l'outil du théâtre, atteindre la vue de la parole ; par l'outil du théâtre, saisir la parole des yeux, voir la pensée. Voir de très près notre mort et notre renaissance par les mots — notre mort par les mots et notre renaissance par la parole. La langue ici n'est plus quelque chose qui nous relie, qui est entre nous, mais quelque chose qui est devant nous comme un théâtre de force, comme un champ magnétique. La langue n'a rien d'humain. C'est une antimatière lumineuse. Une tension de l'espace qui le maintient [var: dans cet instant pparaissant ]encore apparaissant devant nous.
Tout se joue dans la bouche de l'acteur, où le théâtre naît et périt. C'est ce mouvement de naissance-périssement qui fait toute la force paradoxale du théâtre, son pouvoir de renversement. Tout ce qui se parle disparaît — le monde surgit parlé. La bouche est comme la fosse et l'orifice et l'origine de la pensée : l'orifice mangeant et parlant est sans cesse le même. Notre pensée mange et respire. Elle renverse. La scène du théâtre, comme le livre, est le lieu d'une manducation. Même morsure.
2.— Ici, en Savoie, sur les montagnes qui dominent le lac Léman, nous sommes à la croisée des langues : à quelques heures on parle l' allemand, à quelques heures l'italien — et dans la campagne on entend encore quelques personnes parler franco-provençal…
C'est ici que les livres sont souvent commencés, dans la montagne : dans cet endroit isolé où j'ai longtemps habité seul et où il fait assez froid : voyez par la fenêtre, le brouillard au mois d'août… La graine doit être mise en terre : le froid, la mort, l'hiver précèdent la germination. Au moment de commencer un livre, je reviens donc d'instinct dans ce lieu solitaire, ce lieu d'enfance. J'ai commencé à écrire ici à l'âge de neuf ans — et jusqu'à vingt ans, cela s'est poursuivi sans que personne au monde le sache — c'était complètement secret, lié au secret du secret. Le travail d'écriture commence asphyxié, dans la sensation de l'étrangeté de l'espace — et qu'il manque.
J'ai reçu ici de grandes leçons d' idiotie de Jean Dubuffet et des peintres du musée de l'Art brut qui est derrière cette fenêtre, à Lausanne. J'ai examiné de très près les écrits des fous, les états aberrants du langage ; je me suis nourri longtemps de tout ce qui déviait : les patois, les argots, les langues incompréhensibles et à chiffres ; j'ai relevé beaucoup d' inscriptions, des graffiti, des tatouages. J'ai connu un homme qui portait écrit sur lui : “Le passé m'a trompé, le présent me tourmente, l'avenir m'épouvante.” Il figure dans Le Drame de la vie. Les livres commencent par trois mots sur une feuille, par des presque-riens, des choses trouvées là, des bribes, des rébus. Et une prolifération commence, une germination.
Ce que je recherche depuis toujours, c'est une sorte d'état surgissant de la langue : un printemps. Printemps se dit en patois “ le saillifeu ” : ça saille, saute, sort dehors : “ feu ” vient de foris … Ce n'est pas tant le vocabulaire français répertorié qui m'intéresse, mais sa force pour germer toujours à nouveau et renaître. Son pouvoir de germination.
Je ne cherche pas les mots ; je n'ai jamais cherché à faire quelque chose avec des mots ; je ne les utilise pas ; ce ne sont pas des outils … En face du langage, les sensations sont de l'ordre du toucher : quelque chose vous touche, là, derrière la tête, parle. Je ressens la matérialité de tout. Les mots sont comme des noix, des cailloux, du minerai qu'il faut casser pour libérer une respiration, faire apparaître. Tout un livre provient parfois d'un seul mot brisé. Le mot est fermé, enveloppé, primitivement enfoui : quelque chose doit apparaître dedans — de l'intérieur du mot lui même et pas du tout de l'intérieur de l'écrivain. Les mots en savent beaucoup plus que nous : il suffit de les prendre entre ses mains, de les porter à son oreille.
Les textes, au début, sont clos sur eux-mêmes, incompréhensibles, en matière inerte, en morse, en noyaux rythmiques fermés ; puis l'espace les respire : des figures apparaissent. Le travail commence aveugle, dans la myopie, dans le trop-près, dans le contact au plus proche de la langue ; puis on s'écarte — et surgit l'espace. C'est comme dans la peinture où tout est vu au commencement avec les mains et de très près, puis l'oeil recule, le corps s'éloigne.
Il n'y a aucun jeu de mots dans ce que j'écris. Les mots ne sont pas des objets manipulables qu'on agencerait comme des cubes, mais des trajets, des contradictions de forces, des champs d'absence, des lieux d'appel, de présence, de rejet. Il y a une dynamique verbale, une physique-antiphysique, dans laquelle on est plongé : on a affaire à des ondulations, à une matière innommable, insaisissable, invisible et très concrète. Ici, dans la langue, on est comme dans le théâtre de la matière universelle. Ici, incarnation a lieu à l'envers : sarx retourne logos . Il y a une antimatière, et on la voit : tout le langage est en négatif ; penser est un renversement… Lorsqu'on est au travail, dans le langage, on est en contact avec des réalités premières, tout autant que les physiciens ; on est très près d'eux — mais de l'autre côté : à l'envers, dans le muet, dans la langue à un.. Ici, on a affaire, vraiment et avec les mains, aux fondements de la pensée, de la nomination, de la respiration, du réel.
Ce qui pousse le langage, sa vie, son énergie, dans notre langue et dans toutes les langues, c'est le verbe : il propulse, il libère, il suscite, il renverse, appelle, détruit, il agit ; il met le sens en mouvement et il nie ; il vient délivrer la pensée et la respiration. J’aimerais n'écrire qu’avec des verbes — et le moins possible de noms, d’adjectifs. Toutes choses verbées, conjuguées, croisées à l’espace, en transformation et passantes. Rien n’est appréhendé, tout est en dialogue, en combat, contradiction, respiration, passage, renversement . La langue est le lieu d'un drame. Tout près de ce mot de verbe, d'acte par la parole, j'entends passage et le mot de pâques qui nous vient de l'hébreu pessah : le saut, la noyade, la mort et le resurgissement. Tout au fond de nous — et de toutes les langues, tout au fond du langage : la soif de se dépouiller et renaître ; au plus profond de nous : le désir de traversée. Nous nous souvenons tous que nous avons été mis sur terre pour renaître : il suffit d'écouter notre respiration qui nous parle à chaque instant de ce mouvement de traverser la mort.
C'est organique et très vivant. Ce qui touche au langage n’est pas du tout séparé de la matière. Profondément, les lois qui régissent notre langue et celles qui régissent le monde physique sont les mêmes. L’univers est une phrase, il est porté par la parole : il s’effondrerait dans l’instant s’il n’était parlé par le verbe qui le soutient. Le réel est un langage. Et chacune de nos phrases — même la plus pauvre de nos phrases — je la ressens comme galactique, chaque partie de notre langue comme un univers en petit. Ici, il y a un voyage de la chair hors du corps humain par la voix. Un exit, un exil, un exode et une consumation. Un corps qui s'en va, se dépense, passe par la voix. Par la parole quelque chose de plus vivant que nous se transmet. “ Par la parole, la délivrance.” Tous les humains le savent bien : le messie, c’est la parole.

Valère Novarina
Le col du Feu, septembre 1996

Versione originale di Il nostro corpo più vicino è il linguaggio.
Lettera alla traduttrice, apparso in italiano in: Valère Novarina, Lo spazio furioso,
Costa &Nolan, Milano 1996.



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